DOSSIER
Observatoire de l'Énergie 2023
Le smart building au service de la sobriété énergétique des bâtiments
Le parc immobilier, large gisement d’économies d’énergie
En France, les secteurs résidentiel (en référence à l’habitat particulier) et tertiaire (équivalent aux locaux des entreprises), font tous les deux partie des bâtiments. Ils comptent pour 49% de la consommation d’énergie, devant le transport et l’industrie. Le parc immobilier français représente 27% des émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays.
Le bâtiment constitue un levier majeur de réduction des consommations en énergie, car il peut désormais s’appuyer sur un ensemble de technologies et d’innovations qui arrivent à maturité et qui, mises en œuvre sur un parc de nature et de période de construction disparates, laissent entrevoir un fort potentiel de réduction des usages en énergie.
La gestion énergétique des bâtiments est aujourd’hui un levier majeur pour en réduire l’empreinte environnementale. Les évolutions progressives du cadre règlementaire imposent au bâtiment des mesures qui portent à la fois sur les constructions neuves et sur les bâtiments existants.
Il y a d’une part des règlementations qui affectent le bâtiment neuf, dont on peut entres autres citer :
- La directive européenne du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments (2010/31/CE), qui a pour objectif de promouvoir l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Elle repose en particulier sur les principes suivants : des exigences minimales de performance énergétique ainsi qu’un diagnostic pour les bâtiments neufs et existants.
- La loi n° 2015-992 du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte, fixe au secteur du bâtiment plusieurs objectifs ambitieux. À l’horizon 2050, elle vise à ce que l’ensemble des bâtiments du parc immobilier français atteignent le niveau basse consommation d’énergie. Pour cela, elle prévoit d’atteindre un rythme de 500 000 rénovations énergétiques par an à partir de 2017.
Tandis que d’autre part, il y a des règlementations qui régissent la rénovation pour la performance énergétique du parc existant, telles que :
- Le Décret Tertiaire (2019), qui instaure l’obligation pour les établissements d’au moins 1 000 m2 de réaliser 60% d’économies d’énergie d’ici à 2050, avec des premiers échelons fixés à 40% en 2030 puis à 50% en 2040.
- Le Décret BACS (2020) pour « Building Automation & Control Systems », qui détermine les moyens permettant d’atteindre les objectifs de réduction de consommation fixés par le Décret Tertiaire. Ces objectifs consistent à :
- Suivre, enregistrer et analyser les données de consommation énergétique
- Ajuster en temps réel la consommation des systèmes techniques en fonction des besoins
- Détecter et alerter les responsables exploitation des potentielles dérives de consommation, en amont des défauts de fonctionnement, afin d’éviter une surconsommation et des coûts de maintenance supplémentaires
Les prérogatives du Décret BACS concernent tous les propriétaires de systèmes techniques présents dans des bâtiments tertiaires non résidentiels, neufs comme existants, si les équipements ont une puissance nominale supérieure à 290 kW.
- Afin d’apporter un soutien pour entamer cette transition énergétique, le Plan France Relance adopté en 2020 consacre une enveloppe de près de 7 milliards d’euros à l’État et aux collectivités territoriales pour financer des projets de rénovation énergétique des bâtiments en subventions publiques. Parmi ces concessions, 4 milliards sont octroyés aux bâtiments publics (écoles, universités, hôpitaux, etc.) et 2 milliards sont consacrés à la rénovation des logements individuels.
- Fin 2022, en réponse conjoncturelle à l’accentuation de l’urgence climatique et pour pallier les difficultés d’acheminement du gaz dues à la guerre en Ukraine, le premier acte du Plan de Sobriété Energétique (2022) nationale faisait appel à la « Mobilisation générale » des professionnels et des particuliers pour réduire nos consommations et éviter d’éventuelles coupures réseau ciblées. In fine, c’est moins 12% de consommation gaz et électricité sur le territoire entre octobre et décembre 2022. Les 9 groupes de travail du plan de sobriété du gouvernement ont proposé un ensemble de mesures pour aider les entreprises à réguler et à optimiser leurs consommations énergétiques. Plus récemment, en février 2023, le gouvernement a lancé l’acte II de son plan de sobriété intitulé « Ancrer la sobriété dans la durée pour atteindre nos objectifs climatiques ». Les groupes de travail associés se réunissent à nouveau pour asseoir les actions, mesures, bonnes pratiques et écogestes mis en place cet hiver dans la durée et ainsi rendre le plan de sobriété pérenne. Il s’agit d’un levier de contribution essentiel pour le respect de nos engagements climatiques (2030, 2040, 2050).
Le smart building, un ensemble de leviers pour réduire l’impact environnemental du bâtiment
Ce contexte pousse donc le secteur du bâtiment à se réinventer afin de s’ancrer dans la lutte pour plus de sobriété énergétique. C’est alors que la notion de smart building prend tout son sens. En équipant un bâtiment de capteurs et d’autres objets connectés intelligents, il est désormais possible de disposer de données précises en temps réel, appelées données dynamiques ou données chaudes.
Ces multiples données ont vocation à être orchestrées et centralisées dans un référentiel commun unique, que l’on nomme BOS (Building Operating System). Ainsi interconnectés, ces différents réseaux d’équipements deviennent alors des systèmes intelligents permettant d’optimiser et d’automatiser un maximum d’actions.
Chez Magellan Consulting, nous définissons le « Smart Building » comme une déclinaison de 5 piliers interopérables :
- Le Building Occupancy, qui permet d’optimiser l’occupation des bâtiments via l’analyse de données remontées par des capteurs IoT et la réalisation d’analyses prédictives
- Le Safe Building, qui garantit la sécurité des usagers, notamment via la mise en place de dispositifs de supervision ou encore de télésurveillance ;
- L’UX Building, qui se focalise sur l’amélioration de l’expérience utilisateur dans les bâtiments et de la Qualité de Vie au travail des collaborateurs ;
- Le Facility Management Building, ou FM Building , qui vise à optimiser la gestion opérationnelle du bâtiment pour réduire les coûts de maintenance et d’exploitation grâce à des actions de maintenance prédictive ou de gestion d’incidents.
- Le Green Building , qui a pour vocation d’améliorer la performance énergétique et environnementale des bâtiments. Par extension, le Green Building désigne aussi les bâtiments qui ont été rénovés afin d’optimiser leur efficacité énergétique (ex : travaux permettant de rendre l’isolation thermique intérieure et/ou extérieure plus efficiente, installation de générateurs d’énergie renouvelable ou d’actions d’économies d’énergie et d’eau, etc.). Aujourd’hui, un certain nombre de labels permettent de certifier qu’un bâtiment a bien été conçu ou rénové selon les règles du Green Building, tels que le label HQE (Haute Qualité Environnementale) en France, BREEAM (Building Research Establishment Environmental Assessment Method) au Royaume-Uni, ou encore LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) aux États-Unis.
Le Facility Management Building et le Green Building sont naturellement positionnés comme leviers principaux à activer pour atteindre les objectifs de transition énergétique. Néanmoins, pour aller au-delà d’actions quick-wins qui permettront d’atteindre le premier ou le deuxième échelon de réduction de la consommation énergétique ainsi que des émissions de gaz à effet de serre, il faudra faire appel aux autres piliers du Smart building.
En effet, un bâtiment aux systèmes bien conçus et correctement exploités étant moins consommateur d’énergie car adapté et optimisé à ses usages, il contribue à amoindrir la facture énergétique globale et donc à réduire les coûts d’exploitation. Inversement, un FM Building visant à optimiser l’exploitation du bâtiment, il permet de réguler la consommation en fonction des besoins en temps réel ainsi que d’allonger la durée de vie des équipements et participe donc à la réduction du bilan carbone.
Toutefois, c’est en capitalisant sur l’interdépendance et la complémentarité des piliers que nous en tirons des bénéfices énergétiques et en carbone encore plus poussés et adaptés au contexte propre du bâtiment. En outillant son bâtiment d’un Building Operating System (BOS), il est possible de venir croiser et contextualiser des données autrement silotées pour en tirer des cas d’usage et fonctionnalités encore plus poussés. À titre d’exemple, en croisant les données d’occupation en temps réel de présence et de température extérieure pour adapter l’éclairage et surtout la Climatisation, Ventilation, Chauffage (CVC) et ainsi améliorer plus encore les performances énergétiques et en carbone du bâtiment.
Le smart building, brique incontournable pour une démarche de sobriété énergétique efficace
C’est dans ce contexte que Magellan Consulting a accompagné un acteur majeur du secteur de l’Assurance à dimension internationale dans la structuration et le lancement d’un plan de sobriété énergétique. Cet acteur a souhaité s’inscrire pleinement dans l’appel à la mobilisation nationale formulé par le gouvernement et renforcer un plan d’économie d’énergie déjà initié depuis plusieurs années.
Le bâtiment qu’occupe cet assureur, l’un des plus gros de son parc immobilier, est occupé par plusieurs directions et la gestion est pilotée de manière centralisée.
Il a rapidement été fait le constat de la nécessité de décliner un plan d’investissement visant à optimiser les performances énergétiques de ce site, moderne par les services proposés à ses collaborateurs mais dont les résultats des premières études démontraient une certaine marge de manœuvre sur la mise à niveau des équipements et outils de pilotage internes.
Ainsi, le plan de sobriété énergétique construit se décline en plusieurs phases. Dans un premier temps, un diagnostic de performance énergétique devra être réalisé afin d’identifier les chantiers à mener. Ceci conduira à la déclinaison d’un plan pluriannuel d’investissement à moyen/long terme en concertation avec l’ensemble des parties prenantes visant à prioriser les travaux à initier.
Enfin, la solide campagne de sensibilisation et formation des collaborateurs aux écogestes déjà lancée sera renforcée au travers d’actions pérennes dont le rôle est essentiel dans le maintien d’une dynamique de réduction globale des consommations énergétiques de son parc immobilier.
Pour devenir synonyme de durabilité, les bâtiments intelligents se doivent donc de faire appel aux possibilités qu’offrent les piliers du Smart building afin de répondre à des objectifs précis, détaillés ci-dessous.
Mesurer pour identifier les leviers d’action
L’audit et le reporting de la consommation énergétique
Pour réduire et optimiser les dépenses énergétiques, il faut d’abord mesurer et analyser. C’est là qu’un audit complet de la consommation est nécessaire, on parle notamment de bilan carbone. Cela permet d’avoir une visibilité précise sur les différents postes de dépenses énergétiques. Exploitées de manière efficace, ces données permettent par la suite de définir des plans d’action concrets. Ainsi, fort de cette connaissance précise de ses pôles de dépenses, il est possible d’identifier des leviers d’action pour réaliser des gains énergétiques.
À titre d’exemple, dans le cadre du plan de sobriété énergétique et dans la suite d’un audit énergétique sur un des sites de Magellan Partners, la bascule d’un éclairage fluorescent à LED va permettre d’économiser 8% de l’énergie annuelle facturée et quasi 10% avec la pose de capteurs de présence dans les espaces de circulation et de passage (couloirs, salles de réunion, WC etc.).
Sensibiliser les collaborateurs et partenaires
La sensibilisation à l’optimisation du bilan énergétique
Si l’urgence d’améliorer la performance énergétique des bâtiments est connue de tous, nous avons tendance à penser que cette problématique est entre les mains des constructeurs et des gestionnaires de bâtiments uniquement. En réalité, elle ne se limite pas aux travaux d’isolation et doit être abordée de manière plus globale car elle concerne l’ensemble des acteurs d’un bâtiment, résidents y compris. Un projet mené par Smart Electric Lyon a ainsi permis de révéler que sensibiliser les utilisateurs et leur donner la possibilité d’être acteurs de leur consommation permettait de réaliser jusqu’à 30% d’économies d’énergie.
Pour répondre au besoin de sensibilisation à l’optimisation du bilan énergétique et la mesure de l’empreinte carbone, plusieurs initiatives peuvent être mises en place. Cette sensibilisation s’inscrit pleinement dans le cadre du plan de sobriété énergétique à travers lequel il est important de former les salariés aux écogestes, ce qui peut passer par l’identification d’un ambassadeur interne qui se voit confier la responsabilité de définir la démarche de l’entreprise et de la partager via l’animation d’ateliers, la rédaction de guides pratiques, la communication de l’évolution des indicateurs énergétiques, etc.
Optimiser concrètement l’exploitation des bâtiments
Le coût d’investissement initial est souvent un frein majeur à la mise en place d’un projet Smart Building. Pourtant en réalité, les coûts de maintenance et d’exploitation d’un bâtiment représentent 75% de son coût total. Monitorer l’entretien des équipements, leur consommation, l’occupation des lieux ou encore les interventions des prestataires de façon intelligente est donc non négligeable. Combinés, ils permettent d’optimiser la vie du bâtiment dans son ensemble. Ainsi s’agit-il d’un levier important pour engager les différents acteurs et les convaincre d’investir dans les solutions Smart Building.
Enfin, s’appuyer sur une démarche bas carbone permet également d’optimiser le coût d’exploitation du bâtiment. Cet objectif comprend deux leviers principaux : la réduction de la facture énergétique, et l’optimisation de la maintenance des équipements techniques du bâtiment. Ayant déjà abordé le sujet de la réduction de la consommation énergétique, notamment via les systèmes d’automatisation et de contrôle de la consommation, nous nous concentrerons donc ici sur le second levier évoqué. Des modèles d’analyse prédictives permettent de récolter en continu des données sur l’utilisation et l’état des équipements en temps réel via différents capteurs afin d’anticiper les pannes ou défaillances, et ainsi réduire leurs coûts de maintenance. Ces méthodes de maintenance anticipative et prédictive permettent de déclencher des interventions uniquement lorsqu’un certain seuil de valeur prédéfini est atteint. Cela permet d’éviter de faire appel à des techniciens pour contrôler des machines qui fonctionnent correctement, de ne pas attendre qu’une machine soit en panne pour intervenir et de permettre au technicien d’accéder à l’ensemble de l’historique d’utilisation de l’équipement et de visualiser la cause précise du besoin afin d’optimiser le temps d’intervention.
En conclusion, cela permet de faire des économies sur les coûts d’intervention et de réparation des équipements, tout en rallongeant la durée de vie des équipements. En effet, selon une étude du cabinet McKinsey, la maintenance prédictive pourrait ainsi représenter une réduction des coûts de maintenance de 10 à 40 %, une diminution de 50 % du nombre de pannes et un allongement global de la durée de vie des machines.
L'essentiel
Le sujet du Smart Building n’est pas complètement nouveau, mais les différents concepts qui le constituent arrivent à maturité. Désormais, au-delà des évènements conjoncturels, tels que ceux connus fin 2022, on constate qu’un certain nombre d’acteurs privés et publics d’envergure, non seulement s’intéressent de près à ces sujets, mais investissent dans des projets de transformation à grande échelle, y compris sur le parc existant, avec une volonté affirmée ; conscients de l’intérêt à moyen / long terme de ces démarches, tant vis-à-vis de la maîtrise de leurs coûts que de la valorisation de leurs parcs, de l’attractivité et de la compétitivité. Pour que ces démarches Smart Building prennent tout leur sens, elles sont souvent naturellement inscrites dans un cadre plus large traitant les aspects opérationnels, humains, sourcing et logistiques.
Auteurs
Avec le soutien de la Practice Digital de Magellan Consulting
À propos de Magellan Consulting
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