Télétravail : réinventer l’espace de travail pour rendre son entreprise résiliente
Avis d'experts
12 décembre 2020
Eléments de réponse avec Aurélien Roche, Senior Manager au sein de notre practice Stratégie et Innovation Digitale qui répond à cette question dans son interview pour Hub-Grade et vous propose des clés pour gérer au mieux la transition digitale pour une entreprise, aussi bien sur les aspects RH, que la capacité à piloter les équipes et implémenter de nouveaux outils…
Comment réussir la transformation digitale de son entreprise ?
Au préalable, il est essentiel de prendre conscience que, pour réaliser la transformation digitale de son entreprise, il faut viser la performance opérationnelle sans que cette transition ne mette en péril le bien-être des collaborateurs : la capacité à retenir ses talents permettant de maintenir la productivité.
« Face à la crise et face à une période de transition digitale “imposée” comme celle que nous vivons, on doit donc non seulement mettre en place des outils, mais également transformer en profondeur et mettre en place certains processus qui favorisent la résilience. »
Pour cela, on ne raisonne pas par personnalité ou par individu, mais plutôt par tâche effectuée : est-elle réalisable hors du bureau au non ? Par exemple, les tâches individuelles exécutables sur ordinateur peuvent parfaitement être réalisées dans un espace de coworking, ou en home office alors que cela est plus compliqué pour un brainstorm ou certaines réunions.
À ce titre, il est beaucoup plus compliqué de réaliser l’onboarding d’un nouvel arrivant dans un contexte de télétravail généralisé, d’autant plus dans des contextes où la culture d’entreprise est prégnante.
Comment rendre son entreprise résiliente dans ce contexte de crise ?
Il convient de décomposer le travail de chacun, de définir les enjeux prioritaires et les outils pour réussir.
Dans un premier temps, il faut définir, pour chaque équipe, quelles sont les activités qui se prêtent facilement au télétravail et les tâches qui doivent être réalisées en présentiel. Une fois ce travail réalisé, un élément clé favorisant la résilience sera de définir un corpus de règles et de rituels permettant aux équipes d’être efficaces.
Idéalement, ce corpus doit inclure un planning avec des plages de travail individuel, de temps de convivialité et de réunions prédéfinis en équipe et de “rituels”.
Concernant le travail individuel : on peut par exemple mettre en place des créneaux horaires sur lesquels chaque membre de l’équipe convient de ne pas téléphoner à ses collègues.
L’autre enjeu, dans ce contexte où le full-remote est obligatoire, est de réussir au maximum à préserver le lien social. Cela passe encore une fois par le planning, en aménageant des plages horaires de communication “informelles” comme des cafés virtuels, des temps de conversation par chat ou en visio, etc.
Dans un second temps, il faut traduire cela d’un point de vue opérationnel. Sur les activités en distanciels, cela ne change pas grand-chose, à partir du moment où les équipes disposent de leurs outils de travail habituels.
Concernant les activités qui sont plus efficaces en présentiel, comme des brainstorm : il faudra trouver et déployer les outils qui permettront de réaliser ces tâches dans les meilleures conditions.
Comment identifier les assets essentiels à digitaliser (savoir réagir vite, mettre en place les outils et solutions pour être prêt) ?
Le socle de la collaboration, à savoir communiquer et partager efficacement.
Derrière, apporter des réponses équipe par équipe, voir comment on va travailler ensemble et quelle conduite du changement on met en place.
Est-ce qu’on a tous les outils pour faire notre travail en distanciel ? Est-ce qu’on sait se servir de ses outils ?
Aujourd’hui, la plupart des équipes disposent déjà des outils pour pouvoir digitaliser certaines tâches et communiquer en interne sans passer par du présentiel.
Teams et Office 365 sont les outils que l’on rencontre le plus souvent, mais il y en a beaucoup d’autres !
« L’enjeu, ce n’est pas quel outil choisir mais plutôt comment on transforme l’équipe pour faire en sorte que l’équipe utilise tous les outils au mieux et uniformément. »
L’idée est donc de faire adopter des techniques pour faire monter en compétences les équipes sur ces sujets là, afin qu’elles utilisent les outils dont elles disposent à 100%.
Comment réalisez-vous cette mission ?
L’objectif est de faire adhérer tout un groupe vers le même modèle cible. Cela fonctionne donc avec un ensemble de personnes “pas trop imposant”.
Par exemple, sur une entreprise comptant 200 salariés, il faudra dans un premier temps décomposer les effectifs en équipes de 10-15 personnes qui peuvent avoir le même modèle de fonctionnement. Ensuite, on identifie des “personas” au niveau de chaque équipe qui seront des relais du bon usage et du bon fonctionnement des outils mis en place.
Il peut donc y avoir plusieurs modèles de fonctionnement au sein d’une même entreprise ?
On va définir un cadre global dans lequel il y aura de la flexibilité : par exemple avec le nombre de jours de télétravail autorisés par semaine, est-ce que tout le monde peut être travailler en télétravail en même temps, ou est-ce impossible ? Les jours de télétravail doivent-ils être pris en anticipation ou non ? Etc.
Ensuite, toutes les équipes appliqueront ce cadre, mais dans ce périmètre prédéfini, deux équipes peuvent avoir des modes de fonctionnement distincts.
Comment organise-t-on le temps de travail des collaborateurs pour être performant ?
Le point essentiel est de définir précisément le planning de la semaine, en figeant par exemple des moments et des façons de travailler, afin que chacun puisse travailler sans être dérangé, par exemple.
Il est plus naturel de savoir lorsque l’on peut interagir avec une personne lorsque l’on est en présentiel : on ne va par exemple pas interpeller quelqu’un qui semble en pleine concentration sur une tâche, ou qui est en pleine réunion.
Le planning de la semaine permet notamment de figer des moments ou l’on peut interagir et des façons de travailler. Cela donne également un cadre de travail qui peut être rassurant.
Redéfinir les usages et les planning implique également de faire évoluer les bureaux…
Effectivement, même s’il faut au préalable définir clairement sa stratégie immobilière et savoir si l’on souhaite oui ou non généraliser le télétravail. Si oui, est-ce que l’on va privilégier le flex office ou non ?
Par exemple, les entreprises notent que les bureaux fermés individuels ne sont pas efficaces au niveau de l’utilisation de m² et qu’un collaborateur qui travaille dans un bureau privé individuel ne sera pas plus enclin à se rendre sur son lieu de travail. Dans ces cas-là, une stratégie de flex office peut être pertinente.
Puisqu’il y a plus de télétravail, est-ce que l’on a besoin de moins de m² ?
À l’issue du premier confinement, nous avons constaté une prise de conscience d’une certaine forme de déclin concernant l’immobilier d’entreprise “traditionnel”… Mais dans le même temps, on s’est aperçu que les collaborateurs revenaient au bureau !
On s’aperçoit qu’il y a une forme d’attachement au lieu de travail et surtout aux collègues. Évidemment, cet attachement est variable et dépend de chacun, des modes de vie, de la distance vis-à-vis du lieu de travail, de la QVT et également de l’ancienneté dans l’entreprise : les personnes avec plus d’expérience ont un besoin plus fort de revenir au bureau, pour retrouver un cercles de collègues devenus amis et par habitude.
« On sait qu’à termes, plus il y a de télétravail, moins il y a de personnel au bureau et une moins grande nécessité à venir pour du travail individuel. Les collaborateurs reviennent au bureau pour le lien social que cela induit. »
En théorie, il n’est même plus impératif de se rendre sur le lieu de travail pour assister à une réunion, de nombreux outils de visioconférence permettent de tenir une réunion de manière dématérialisée.
Donc les entreprises doivent se demander : pourquoi les collaborateurs doivent venir ?
À vrai dire, on revient au bureau pour tout… sauf l’open-space ! On vient pour la pause café, la cantine, on croise des gens au travail. La raison cœur de venir au travail n’est plus de venir au bureau pour son travail.
Cela implique plus d’espace informel, plus de salles de réunions, plus de phone boxes, mais moins de surface de bureaux.
Paradoxalement, on observe que le travail en distanciel ne rend pas l’open-space plus agréable pour ceux qui y travaillent, car plus de travail distanciel implique plus de conversation téléphonique : dans les faits, avec le télétravail, l’open-space devient de moins en moins vivable en l’état.
Comment transformer le lieu de travail pour l’adapter à cette évolution ? Est-ce la fin de l’open-space ?
Il est hautement utopique de ne plus avoir d’open-space ou de bureau, il s’agit d’un des types d’aménagement les plus efficaces en termes d’utilisation des m². Dans un monde parfait, le bureau doit disposer de plus en plus de “zones informelles”, de showrooms, d’espaces de co-création et d’innovation, qui restent très marginales mais représentent de forts vecteurs de collaboration.
L’open-space, s’il ne disparaît pas, doit disposer de boxes individuelles, d’alcôves pour les call par exemple. Des zones d’échanges informelles doivent également exister à proximité.
Les entreprises auront également de plus en plus recours à des lieux tiers, avec des bureaux ailleurs sous forme de hotspot, des espaces coworking, des salles de réunion etc. Qui permettent au collaborateur d’être plus flexible.
Nous ne reviendrons probablement pas à la situation d’avant, où presque tout le monde venait tous les jours au bureau. Le besoin de réunir l’ensemble de l’équipe ou de l’entreprise pour des évènements reste d’actualité, mais devrait plus fréquemment être organisé dans des lieux tiers.
Quid du fonctionnement en full télétravail ?
Les modèles en télétravail restent relativement marginaux, même si certaines entreprises de la tech arrivent à le faire. Après le télétravail à 100%, pour tout le monde et tout le temps, cela me parait compliqué.
Ceci dit, si le télétravail est associé à la mise à disposition de postes de travail dans des tiers-lieu, cela peut être efficace. On peut d’ailleurs imaginer, dans un futur proche, que des entreprises créent des “tickets coworking”, sur le même modèle que les tickets restaurants par exemple, avec un forfait gratuit de journées en coworking par salarié !
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