Mobilité multimodale et décarbonée
Avis d'experts
La mobilité est au cœur des transformations nécessaires pour répondre aux défis environnementaux et sociaux du XXIᵉ siècle. Alors que le secteur des transports demeure l’un des principaux contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre, la nécessité de repenser nos modes de déplacement devient impérative.
En France comme en Europe, la transition vers une mobilité multimodale et décarbonée représente un levier stratégique majeur pour atteindre les objectifs climatiques fixés d’ici 2050, tout en améliorant la qualité de vie en milieu urbain et périurbain.
Mobilité multimodale & décarbonation : défis & dimension environnementale
La mobilité constitue un levier essentiel dans la lutte contre le changement climatique et l’amélioration de la qualité de vie urbaine. Selon le Ministère de la Transition écologique, le secteur des transports représente près de 31 % des émissions de gaz à effet de serre en France, dont une majorité provient des véhicules individuels. Face à la congestion des villes et aux attentes croissantes des citoyens pour une mobilité plus fluide et durable, la multimodalité s’impose comme une solution incontournable.
Elle consiste à combiner plusieurs modes de transport : vélo, marche, bus, train, covoiturage, etc. pour offrir une alternative crédible à la voiture individuelle. Pour les collectivités et les entreprises de transport, la multimodalité et la décarbonation des mobilités représentent non seulement un défi technique et organisationnel, mais aussi une opportunité stratégique pour innover, diversifier leurs services et améliorer l’expérience des usagers.
Les défis majeurs de la mobilité multimodale
Le déploiement d’une mobilité multimodale et durable repose sur plusieurs défis interdépendants.
Interopérabilité et coordination entre modes de transport : Il s’agit de garantir une continuité fluide du parcours usager, tant sur le plan physique (infrastructures, pôles d’échange multimodaux) que numérique (billettique unique, applications intégrées). À ce titre, l’exemple de l’Île-de-France Mobilités, qui déploie le passe Navigo comme titre unique pour trains, métros, bus et vélos en libre-service, montre la faisabilité d’une telle approche.
Gestion des données et interconnexion des systèmes d’information : Les opérateurs doivent partager et exploiter des données de mobilité en temps réel pour optimiser les flux de passagers, anticiper les pics de demande et améliorer la qualité de service. Le projet européen MaaS (Mobility as a Service) illustre cette dynamique en favorisant l’intégration des données de différents opérateurs.
Adoption et appropriation par les usagers : Les utilisateurs attendent des solutions simples et efficaces, avec une tarification transparente et un accès facilité. Les initiatives comme l’application SNCF Connect ou le projet Lyon City Card combinant transport et services culturels constituent des références en matière d’adoption.
La dimension environnementale : vers une mobilité décarbonée
La décarbonation des transports est un impératif stratégique pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, conformément aux engagements de la France et de l’Union européenne. Les transports terrestres restent les premiers émetteurs de CO₂, malgré les progrès réalisés sur les motorisations.
Electrification des flottes : Le déploiement massif de véhicules électriques, couplé à une infrastructure de recharge performante, constitue une solution majeure pour réduire les émissions. À titre d’exemple, la RATP a engagé la conversion progressive de sa flotte de bus diesel vers l’électrique et le biogaz, avec l’objectif d’atteindre 100 % de bus propres d’ici 2025.
Développement des biocarburants et de l’hydrogène : Ces alternatives complètent la stratégie de décarbonation, notamment pour les poids lourds et les trajets longue distance. La Région Occitanie a par exemple investi dans la première ligne régionale de trains à hydrogène.
Aménagement des infrastructures : Adapter les voiries pour les mobilités douces (pistes cyclables, trottoirs élargis) et les hubs de mobilité est indispensable pour faciliter le report modal. Le succès du Plan Vélo à Paris et des ZFE-m (Zones à Faibles Émissions mobilité) en France illustrent la pertinence de ces investissements.
Le rôle des collectivités et des entreprises de transport
Les collectivités locales jouent un rôle central dans la gouvernance et la planification de la mobilité durable. L’élaboration de Plans de Déplacements Urbains (PDU) ou de Plans de Mobilité simplifiés constitue le socle d’une stratégie cohérente à l’échelle du territoire.
Financements et partenariats : Les projets de mobilité nécessitent des investissements significatifs. Les fonds mobilisés dans le cadre de France 2030 et du Plan de relance européen permettent de soutenir les projets structurants, tels que les infrastructures de recharge électrique, les pôles multimodaux ou les plateformes de covoiturage.
Coopération public-privé : Les entreprises de transport, les start-ups et les acteurs de la mobilité partagée contribuent activement à l’écosystème. La synergie entre acteurs est essentielle pour développer des solutions intégrées. À titre d’exemple, Keolis et la Métropole Européenne de Lille collaborent pour développer une offre de transport multimodal incluant bus, métro, tramway et vélos en libre-service.
Cas d’usage : Les collectivités expérimentent de plus en plus de dispositifs de mobilité de proximité, comme les navettes autonomes pour désenclaver les zones rurales ou les services de vélos partagés en périphérie des villes.
La transition vers une mobilité multimodale et décarbonée est une nécessité stratégique et un levier de performance durable pour les acteurs des transports et les territoires. Elle requiert une approche intégrée et collaborative, mobilisant l’ensemble des parties prenantes autour d’objectifs communs : améliorer la qualité de vie, réduire les émissions de gaz à effet de serre et répondre aux nouvelles attentes des usagers.
Investir dès maintenant dans la mobilité multimodale, c’est se positionner en acteur responsable et innovant. Magellan Consulting se tient à vos côtés pour vous accompagner dans cette transformation ambitieuse et structurante.
Mobilité multimodale & décarbonation : un constat étayé par les chiffres
Le secteur des transports constitue l’un des principaux défis environnementaux en Europe, représentant une part significative des émissions de gaz à effet de serre. Malgré les efforts déployés, la réduction des émissions dans ce domaine reste encore largement insuffisante, notamment en raison de la prédominance du transport routier. Pour appréhender les enjeux liés à la décarbonation, il est essentiel de s’appuyer sur des données précises qui illustrent l’impact réel des différentes modalités de transport. Cette section propose un état des lieux chiffré de la situation, mettant en lumière la nécessité d’adopter une approche multimodale intégrée, conjuguant innovations technologiques, changements de comportements et politiques publiques ambitieuses, pour répondre efficacement à l’urgence climatique.
Le poids du transport routier dans les émissions européennes
- Le secteur transport représentait en 2016 environ 1 931 Mt CO₂ eq, soit près de 36 % des émissions totales de l’UE, en progression depuis 1990 theicct.org+11consilium.europa.eu+11fr.wikipedia.org+11.
- Parmi celles-ci, le transport routier seul pèse pour 94 %, répartis entre 73 % pour les voitures et vans, et 27 % pour camions, bus et poids lourds .
Répartition des modes : dominance du transport routier
- La répartition des émissions montre une écrasante prédominance du transport routier (~72 %), suivi par la navigation maritime (14 %), l’aviation (13 %), le rail (0,4 %) et d’autres modes (0,5 %) .
- Ces données soulignent l’importance de remise en question de la dépendance à la route.
Impacts passagers par km
- En 2022, un véhicule léger individuel génère aujourd’hui ~154 g CO₂ per p-km, contre ~14 g pour un train et ~68 g pour un bus eea.europa.eu+5eea.europa.eu+5arxiv.org+5theicct.org+2enerdata.net+2reuters.com+2.
- L’écart avec la mobilité active (vélo, marche) est encore beaucoup plus flagrant.
Approfondissement analytique
Contexte actuel : une montée continue des émissions
Malgré des efforts nationaux et européens, les émissions du transport terrestre ont grimpé de +33 % depuis 1990, tandis que les autres secteurs ont baissé ft.com+2theicct.org+2theguardian.com+2.
Le rapport de Transport & Environment met en garde : si aucune mesure n’est renforcée, le transport pourrait représenter 44 % des émissions totales de l’UE d’ici 2030, malgré une prévision de baisse de seulement –8 % avec les politiques actuelles theguardian.com+1reuters.com+1.
Enjeux environnementaux : le transport, dernier bastion de la décarbonation
Les émissions liées au transport sont restées stables, voire en hausse pour les véhicules lourds, malgré des améliorations sur la consommation individuelle theicct.org.
Or, retarder la transition dans ce secteur multiplie les coûts liés à la décarbonation globale : jusqu’à +126 Md€/an de surcoût et un doublement des prix du carbone requis d’ici 2030 .
Un enjeu structurel : le report modal
Mode | Part dans le fret (tonne-km) | Évolution récente |
Routier | 75 %76 % | stable |
Ferroviaire | ~18 % | légère hausse |
Voie d’eau | ~6 % | stable |
Aérien | ~0,2 % | négligeable |
- En 2022, le transport routier dominait encore le fret intérieur (75,3 %) .
- Le rail progresse lentement, passant à ~18 %, un signal positif .
Cible Européenne et leviers d’action
- L’UE vise une réduction globale de –80 % à –95 % des GES d’ici 2050, dont une baisse ciblée de 60–70 % dans le transport routier (en partant de 1990) eea.europa.eu.
- Variations : l’offre électrique (VE/bus), hydrogène, carburants durables, et report modal sont les piliers de la stratégie fr.wikipedia.org.
Implications pratiques & enjeux de mise en œuvre
- Infrastructure : déploiement de points de recharge rapide (ex. programme allemand “Power to the Road” pour véhicules lourds, 350 stations d’ici 2024) reuters.com.
- Politiques publiques : financements massifs (39 Md€/an dans l’UE jusqu’à 2050 ; 310 Md€/an d’ici 2030) nécessaires pour atteindre la neutralité theguardian.com.
- Technologies : électrification intelligente, véhicules à hydrogène, usage des zones à faibles émissions, ou ZE zones .
Les données confirment que le transport routier continue de ralentir les progrès vers la neutralité carbone. La mobilité multimodale, combinée à la décarbonation via technologies, report modal et politiques publiques ambitieuses, constitue la clé d’un changement de paradigme.
La transition vers une mobilité multimodale et décarbonée constitue un enjeu majeur pour répondre aux défis climatiques, sociaux et économiques actuels. Malgré la complexité des transformations à engager, les bénéfices sont multiples : réduction significative des émissions de gaz à effet de serre, amélioration de la qualité de vie, fluidification des déplacements et innovation dans les services de transport.
Les chiffres démontrent clairement la prédominance du transport routier dans le bilan carbone et soulignent l’urgence d’un changement de paradigme. L’intégration coordonnée des différents modes de transport, soutenue par des infrastructures adaptées, des technologies innovantes et des politiques publiques ambitieuses, est la clé pour réussir cette transition.
Cette évolution exige une collaboration renforcée entre les collectivités, les acteurs privés, les usagers et les pouvoirs publics. En mobilisant ensemble les ressources financières, techniques et humaines, il est possible de construire une mobilité plus durable, accessible et résiliente.
Investir dès aujourd’hui dans la mobilité multimodale et la décarbonation, c’est non seulement contribuer à la lutte contre le changement climatique, mais aussi préparer un avenir où mobilité rime avec durabilité et qualité de vie pour tous.
Auteurs
Arnaud Mac Farlane, Principal Conseil Transport & Mobilités Magellan Consulting
Sara Belaïd, Consultante Senior Conseil Energies, Data et Transition énergétique
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