Concilier transformation agile et sobriété énergétique en entreprise
Avis d'experts
10 juillet 2024
Dans un contexte mondial où le changement climatique et la conservation des ressources sont des sujets de préoccupations majeures, la France s’est fixée pour objectif de réduire de 40% sa consommation d’énergie d’ici 2050 et de 10% sur les deux prochaines années par rapport à 2019.
Les acteurs ont été encouragés à élaborer des plans d’actions pour répondre à ces objectifs. Les pratiques agiles, initialement développées pour améliorer l’efficacité et la flexibilité dans le développement logiciel, peuvent contribuer à rendre les organisations plus résilientes et responsables. Cet article explore comment l’agilité et la sobriété énergétique peuvent se combiner pour créer un avenir plus durable.
L'importance de la sobriété énergétique
La sobriété énergétique s’impose comme un élément central de la transition énergétique des entreprises. Ce concept clé vise à repenser notre consommation d’énergie en adoptant des comportements et des pratiques plus responsables et efficaces, réduisant ainsi notre impact environnemental et optimisant l’utilisation des ressources disponibles.
Contrairement à l’efficacité énergétique, qui se concentre sur l’amélioration technologique pour utiliser moins d’énergie pour un même service, la sobriété énergétique implique un changement de paradigme dans notre façon de consommer l’énergie. Elle repose sur des principes tels que la réduction de la demande, l’optimisation des ressources et l’adoption de modes de vie et de production plus durables.
Liens entre sobriété énergétique et initiatives agiles
La convergence entre sobriété énergétique et pratiques agiles peut sembler naturelle, car les deux approches visent à optimiser l’efficacité et à minimiser les gaspillages. Voici comment ces concepts peuvent s’intégrer dans une organisation :
- Adaptation continue : Une réévaluation constante des besoins, des ressources et des processus, comme préconisé dans l’agilité, permet une réduction progressive et continue de la consommation d’énergie. En matière de sobriété énergétique, cela se traduit par l’évaluation régulière des performances énergétiques et la mise en place de plans d’amélioration basés sur des données concrètes
- Collaboration et communication : Favoriser une communication ouverte et transparente avec toutes les parties prenantes sur les stratégies de réduction de la consommation d’énergie permet de sensibiliser les employés et de promouvoir des initiatives partagées créant un engagement fort, essentiel pour la réussite de ces projets
- Livraison rapide et incrémentale : La livraison rapide de petits incréments de travail permet des ajustements et des améliorations fréquentes. En appliquant cette philosophie aux systèmes énergétiques, les entreprises peuvent identifier les sources de gaspillage énergétique et apporter des solutions comme l’installation de capteurs de mouvement pour l’éclairage ou l’optimisation des horaires de fonctionnement des équipements
- Mesure et transparence : Les projets agiles utilisent des indicateurs de performance pour suivre les progrès. Appliquée à la gestion de l’énergie, cette approche permet de surveiller la consommation en temps réel, d’identifier et de prioriser les actions qui auront le plus grand impact en termes de réduction de la consommation énergétique et de coût, tout en maintenant la performance opérationnelle.
La sobriété énergétique et les pratiques agiles, bien que distinctes dans leur origine, partagent des principes communs de réduction des gaspillages et d’optimisation continue. Leurs intégrations au sein des organisations peuvent conduire à des gains significatifs en termes de performance énergétique. En adoptant une approche agile, les entreprises peuvent répondre aux défis énergétiques actuels tout en améliorant leur efficacité opérationnelle.
La sobriété énergétique dans les initiatives agiles
La sobriété énergétique contribue de manière significative à l’optimisation de l’utilisation des ressources dans les pratiques agiles.
Prenons l’exemple marquant de Google, qui se distingue par l’efficacité énergétique exceptionnelle de ses centres de données, grâce à une gestion énergétique optimisée. L’entreprise mobilise une approche agile pour perfectionner continuellement ses opérations, à travers diverses stratégies :
- Sprint de développement : les équipes techniques de Google travaillent en sprints courts pour identifier et mettre en œuvres des améliorations continues dans la gestion de l’énergie
- Suivi et analyse des données : la collecte massive de données sur la consommation énergétique, combinée à l’utilisation d’algorithmes de Machine Learning permet une meilleure analyse des données qui permet de prédire les besoins futurs
- Automatisation et intelligence artificielle : Google adopte l’IA pour une gestion efficiente des charges de travail, ajustant dynamiquement les paramètres de refroidissement et de distribution d’énergie, afin de maximiser les rendements énergétiques
- Innovation technologique :
– Google lance des projets pilotes notamment en testant de nouvelles technologies d’efficacité énergétique comme l’utilisation de batterie pour stocker l’énergie renouvelable et lisser les pics de demande énergétique
– L’utilisation de techniques avancées de refroidissement, comme le refroidissement par évaporation est plus économe en énergie que les systèmes traditionnels
– Le développement de ses propres installations d’énergie solaire et éolienne dont il achète de l’énergie renouvelable via des contrats de long terme.
- Partenariat académique et industriel : En collaborant avec des universités et des entreprises, Google stimule le développement de solutions énergétiques innovantes.

L’adoption d’une démarche agile a permis à Google non seulement d’optimiser ses processus opérationnels de manière itérative mais aussi de diminuer son impact environnemental et de réaliser des économies d’échelle.
En intégrant des solutions durables, Google contribue aussi à la stabilité du réseau électrique et s’adapte aux fluctuations du marché, améliorant ainsi la performance de ses centres de données. Néanmoins, la mise en œuvre de ces technologies avancées et infrastructures nécessite des investissements conséquents.
L’intelligence artificielle complexe et les processus de collecte de données supposent des compétences spécialisées et entrainent des coûts de maintenance significatifs.
À l’instar de Google, Microsoft a pris des engagements importants en matière de sobriété énergétique. En 2020, l’entreprise s’est engagée à devenir « carbone négatif » d’ici 2030, c’est-à-dire qu’elle prévoit de retirer plus de carbone de l’environnement qu’elle n’en émettra. Microsoft investit dans des centres de données ultra-efficaces et utilise des algorithmes pour améliorer la gestion de la consommation énergétique. Un exemple concret de sobriété énergétique intégrée dans leur système agile est l’optimisation de leur infrastructure Azure, où les équipes de développement travaillent par cycles itératifs pour améliorer l’utilisation des ressources et réduire les déchets énergétiques à chaque version.
Spotify de son côté, a aussi fourni des efforts remarquables pour intégrer la sobriété énergétique dans ses processus de développement agile. L’entreprise a travaillé sur des projets de reconfiguration de ses serveurs pour qu’ils consomment moins d’énergie, tout en tenant compte des aspects de performance et d’expérience utilisateur. En utilisant des principes agiles, Spotify peut itérer rapidement et introduire des améliorations dans l’infrastructure et les opérations, réduisant ainsi progressivement sa consommation énergétique.
Les exemples cités illustrent parfaitement qu’au sein d’un projet agile, chaque itération peut être saisie comme une opportunité d’intégrer des améliorations énergétiques, en évaluant constamment leur efficacité dans un contexte de cycle de développement continu. Les bénéfices économiques découlant de cette approche résident essentiellement dans la réduction des coûts opérationnels, tandis que les bénéfices environnementaux se traduisent par une diminution significative des émissions de gaz à effet de serre et une moindre pression sur les ressources naturelles.
D’autres solutions s’offrent à nous, comme l’utilisation optimisée de solutions cloud pour héberger des applications, ce qui permet de consommer moins d’énergie. Les techniques de programmation durable, telles que le code éco-responsable, sont également des leviers importants pour réduire les besoins en puissance de calcul et, par conséquent, l’empreinte énergétique des logiciels.
Pratiques durables et impact environnemental
La mise en œuvre de pratiques durables et la réduction de l’impact environnemental peuvent rencontrer divers défis communs :
- Résistance au changement : L’adoption de pratiques durables implique souvent un changement de culture et de pratiques établies, ce qui peut susciter une résistance de la part des employés et compliquer ainsi la mise en œuvre.
- Besoin d’investissement initial : La promotion de pratiques durables et la réduction de l’impact environnemental nécessitent généralement des investissements initiaux, notamment en termes de formation, de nouveaux processus, de technologies et parfois d’infrastructures. Convaincre les parties prenantes de l’importance de ces investissements peut être un défi.
- Volonté et engagement de la direction : La réussite de la promotion de pratiques durables et la réduction de l’impact environnemental exigent un engagement fort de la part de la direction. Il est crucial de convaincre les dirigeants des avantages à long terme de ces initiatives et de les aligner sur la vision stratégique de l’entreprise.
- Changement de mentalité : La promotion de pratiques durables et la réduction de l’impact environnemental impliquent un changement de mentalité et de comportement au sein de l’organisation, ce qui peut être difficile à réaliser, en particulier dans les entreprises où les processus traditionnels sont solidement ancrés.
- Mesure et suivi des progrès : Il est essentiel de pouvoir mesurer et suivre les progrès accomplis pour démontrer les avantages de la promotion de pratiques durables et de la réduction de l’impact environnemental. Cela peut nécessiter la mise en place de nouveaux indicateurs de performance et de systèmes de suivi.
Pour intégrer efficacement la durabilité et la réduction de l’impact environnemental dans les initiatives de l’entreprise :
Il est d’abord essentiel d’adopter une approche holistique et d’encourager un changement de mentalité en faveur de la durabilité. Par exemple, Danone a mis en place des programmes de formation pour ses employés afin de les sensibiliser à l’importance de la durabilité et de les encourager à identifier des opportunités d’amélioration des pratiques écologiques dans leurs domaines respectifs. Grâce à ces efforts, Danone a réussi à réduire significativement ses émissions de gaz à effet de serre, à améliorer l’efficacité énergétique de ses opérations et à renforcer son image de marque en tant que leader de la durabilité.
En outre, les entreprises peuvent mettre en œuvre des stratégies telles que l’analyse de cycle de vie pour évaluer l’impact environnemental de leurs produits et processus, et intégrer la durabilité comme un critère clé de leurs projets. Notamment dans le secteur du textile, des entreprises comme Patagonia s’engagent en faveur de la durabilité en intégrant des matériaux recyclés et en prolongeant la durée de vie de leurs produits pour réduire les déchets.
De plus, des mesures telles que la sensibilisation des employés à l’importance de la durabilité et de la réduction de l’impact environnemental, ainsi que l’incitation à l’innovation en matière d’efficacité énergétique et de réduction des déchets, peuvent contribuer à créer une culture organisationnelle axée sur la durabilité. D’autres initiatives, comme l’utilisation de technologies vertes, la mise en place de systèmes de gestion de l’énergie et des déchets, et l’optimisation des processus opérationnels, sont des moyens efficaces pour atteindre cet objectif. A cet effet, les entreprises peuvent réduire leur impact environnemental en adoptant des technologies plus propres et en mettant l’accent sur l’innovation durable, comme le Cloud Computing. Netflix, par exemple, a migré une grande partie de ses infrastructures vers des services cloud, ce qui lui a permis de réduire son empreinte environnementale grâce à une optimisation de l’utilisation des ressources informatiques et à l’adoption de pratiques durables mises en place par les fournisseurs de services cloud.
Conclusion
Les entreprises peuvent concilier transformation agile et sobriété numérique en saisissant chaque itération d’un projet agile comme une opportunité d’intégrer des améliorations énergétiques, grâce à une évaluation continue de la consommation énergétique dans le cycle de développement.
Cette démarche présente des avantages à la fois économiques, avec la réduction des coûts opérationnels, et environnementaux, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et la pression sur les ressources naturelles. De plus, l’adoption de techniques de programmation durable, telle que le code éco-responsable, contribue également à diminuer les besoins en puissance de calcul et l’empreinte énergétique des logiciels.
L’intégration de la sobriété énergétique dans les initiatives agiles améliore la performance énergétique, réduit les coûts et l’impact environnemental. En adoptant des pratiques durables et agiles, les entreprises peuvent relever les défis énergétiques et favoriser l’innovation pour un avenir plus vert et résilient.