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M&A et IT : un rapprochement nécessaire (mode d’emploi)

L’IT devient un élément essentiel dans le cadre d’une acquisition, que ce soit pour la valorisation lors de la Due Diligence, pour la séparation des services ou dans l’intégration post-fusion. Edouard Richard de Magellan Consulting explique pourquoi, et quels chantiers lancer.

2021 a été une année exceptionnelle pour les activités de M&A (Mergers & Acquisitions ou Fusions & Acquisitions) avec un niveau record d’opérations réalisées. L’année a été marquée par un contexte économique particulier (reprise post-confinements et taux d’intérêt bas), ce qui a conduit les entreprises à mener des revues de leurs portefeuilles d’activités stratégiques afin de se concentrer sur leur cœur de métier, ou à rechercher les synergies possibles pour se renforcer – en profitant des opportunités post-crise. Les deux facteurs ont favorisé un volume très important de transactions mid et large cap.

La redistribution des cartes a également engendré une présence beaucoup plus importante des fonds d’investissement sur le marché, à travers des participations plus nombreuses et plus conséquentes.

Cependant, le cru suivant, 2022 a été marqué par un ralentissement significatif.

Graphique sur l'évolution des Fusions AcquisitionsFigure 1 – Bain & Company : le marché du M&A affiche une décroissance de 36 %
en valeur en 2022.

Certes, le premier semestre 2022 restait sur une bonne dynamique. Mais le contexte macroéconomique (augmentation des taux d’intérêt de la FED en juin et les évolutions du contexte géopolitique global qui ont mis sous tension certains secteurs) a poussé les investisseurs à revoir leurs ambitions à la baisse. Ceux-ci ont attendu un moment plus opportun pour relancer leurs projets.

2023, année du rebond des fusions acquisitions ?

En 2023, les turbulences économiques et géopolitiques vont persister. Elles resteront un facteur important dans l’évolution des activités de M&A. Mais elles vont aussi engendrer de nouvelles opportunités.

Ainsi, les entreprises leaders de leurs secteurs, qui ont des liquidités et une capacité d’endettement importante, auront la possibilité de lancer de nouvelles acquisitions majeures et audacieuses.

Comme mentionné dans le rapport « Looking ahead to M&A in 2023 » de Bain & Company, c’est dans les secteurs de l’énergie, de l’industrie et des technologies que se distinguent ces principaux acteurs susceptibles de répondre aux critères évoqués précédemment.

Les revues de portefeuilles continueront également, quant à elles, à être un axe d’étude stratégique des entreprises ne souhaitant plus se disperser dans des domaines qu’elles ne maîtrisent pas.

L’IT comme nouveau vecteur de réussite

Dans ce cadre, et pour la quasi-totalité des secteurs, l’IT a pris une nouvelle dimension. Elle est devenue une réelle partenaire du métier, en lui apportant de la plus-value dans l’atteinte des objectifs stratégiques et en accompagnant la « digitalisation ».

Il devient donc nécessaire, lors d’une démarche de fusion, d’acquisition ou de cession, de ne pas négliger cet aspect de la stratégie, et ce dès la phase de Due Diligence.

Car l’IT est à la fois un outil pour sécuriser les données de l’entreprise et pour favoriser la collaboration entre les employés et les entités. Elle joue un rôle de catalyseur pour les métiers grâce à des solutions innovantes et efficaces (outils collaboratifs, cloud, etc.).

Si ces éléments ne sont pas traités à leurs justes valeurs, les conséquences pourront alors être coûteuses :

  • Risques cyber non maîtrisés ;
  • Investissements CAPEX et dépenses non budgétés ;
  • Dyssynergies entre le métier et la stratégie IT ;
  • Impréparation pour faire face à une crise IT ;
  • Modèle opérationnel IT obsolète ne s’intégrant pas avec la nouvelle structure.
Synergies lors d'une fusionFigure 2 – McKinsey : près de la moitié des synergies dans le cadre d’une fusion sont liées à l’IT.

Valoriser les actifs IT dans le processus de Due Diligence

La valorisation précise des différents composants de l’informatique dans un processus de Due Diligence devient donc depuis quelques années un élément essentiel de l’approche à avoir dans le cadre d’une acquisition. Ce processus doit non seulement évaluer les actifs physiques de l’entité, mais aussi la valeur technologique des applicatifs développés en interne, l’architecture d’entreprise, le niveau de protection contre les risques cyber et le modèle d’organisation.

Enfin pour les acheteurs, une évaluation des synergies potentielles doit être menée par les équipes de la DSI notamment sur les sujets d’infrastructures et d’organisation afin de déterminer la plus-value métier que la technologie et les systèmes d’information apportent.

Les actifs non physiques prennent une importance croissante dans l’évaluation des entreprises. Ces derniers représentaient 90 % de la valorisation des sociétés du S&P500 en 2020 contre 68 % en 1995. Les actifs digitaux ne représentent pas la totalité de ce montant, mais ils sont une part croissante de la valorisation (p. ex. 20 % du S&P 500 est constitué d’entreprises de la tech).

L’évaluation de la valeur des applications et des logiciels représente une question à part entière qui repose sur la revue de trois éléments clés :

  • La stratégie produit qui prend en charge une vision client et utilisateurs à travers un large écosystème de marché ;
  • Les technologies employées, les risques d’obsolescence, mais aussi la possibilité de les faire évoluer dans le temps ;
  • La maturité digitale représentant l’organisation des équipes et leurs compétences en relation avec les équipes fonctionnelles de l’entité.

Préparer la cession d’une activité : séparation des services

La cession d’une activité s’accompagne d’un objectif de rompre tous les services fournis par la société cédante. La séparation des actifs physiques peut être effectuée comptablement, mais la ségrégation des réseaux d’entreprise, des applications et des données représente des défis organisationnels et techniques.

Ces opérations d’une grande complexité doivent être préparées et cadencées afin d’assurer une séparation effective la plus rapide et de réduire la mise en place de Transition Service Agreement (TSA) qui régissent les services fournis entre entité cédée et cédante durant toute la période de transition.

Les principaux chantiers à adresser sont :

  • La ségrégation des réseaux d’entreprise ;
  • La mise à disposition des données stockées sur les serveurs de l’entreprise ou dans le cloud ;
  • La transition applicative vers l’environnement cible ;
  • La gestion des environnements de travail des collaborateurs.

 Au cœur de l’exécution du plan de séparation se trouve l’impératif d’assurer une continuité de services. Le jour de la cession des activités (Day-1), une séparation effective de certaines activités doit protéger les parties prenantes et leurs actifs (notamment les données).

Toutes les activités non séparées à Day-1 devront faire l’objet d’un suivi opérationnel, organisationnel et financier de part et d’autre jusqu’à l’autonomie complète des activités cédées vis-à-vis de la cédante. Tout en cherchant à réduire les asynergies liées à la séparation des services, les équipes IT auront une responsabilité majeure dans la réussite ou l’échec du projet.

Activités d’intégration post-fusion (Post-Merger Integration – PMI)

Sur la base des services séparés et selon ses propres objectifs stratégiques à moyen et long terme, l’acquéreur des activités peut appliquer plusieurs stratégies distinctes :

  • N’opérer aucune intégration, notamment si l’objectif est de revendre les actifs sous quelques années. Une telle stratégie doit s’accompagner d’un suivi afin de s’assurer que les entités sauront fonctionner en autonomie : couverture de l’ensemble des besoins fonctionnels, équipe interne possédant les compétences adéquates, et accès aux technologies adéquates ;
  • Opérer une intégration partielle permettant de créer des synergies sur des périmètres fonctionnels particuliers dans une approche d’optimisation de certaines activités représentant un fort niveau de criticité. Cela entraîne une dépendance partielle vis-à-vis des équipes IT de l’acquéreur et à terme un besoin de synchroniser régulièrement les efforts entre l’équipe IT « Groupe » et l’équipe IT de l’entité ;
  • Mener une intégration totale en remplaçant tous les services de l’entité acquise par les services de l’acquéreur. Cela reflète une volonté de fondre entièrement les activités acquises au sein d’un ensemble cohérent en termes de services IT.

La stratégie d’intégration est le reflet d’une vision globale propre à la stratégie de l’acquéreur. Cependant elle ne peut être pensée, préparée et opérée sans inclure les équipes de la DSI en amont du projet.

La phase de PMI est la dernière étape d’un long processus devant inclure la DSI et ses équipes dès l’évaluation des cibles potentielles.

Edouard Richard est Senior Manager au sein de la practice Technology, Strategy & Transformation de Magellan Consulting.

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