Portrait de Stephan Durey - Magellan Partners

“Le cloud natif est une lame de fond basée sur des prestations et des produits réels”

Le cloud de confiance : voilà le nouveau concept qui fait fureur. Stephan Durey suggère plusieurs pistes opérationnelles pour inviter les acteurs de la chaîne de valeur à s’y impliquer.

Oct 2021
Stephan Durey - Associé chez Magellan Partners. Propos recueillis par Pierre-Antoine Merlin

La pandémie a-t-elle changé la perception des données numériques ?

La crise sanitaire a influencé le regard des entreprises sur les données en général, et sur le cloud en particulier. Mais plus encore, ce sont les tensions géopolitiques et géostratégiques, héritées de l’ère Trump, qui expliquent en grande partie ce phénomène. Car on estime entre 6 % à 8 % les données considérées comme ultracritiques. D’où l’importance de la notion de cloud de confiance, afin de travailler en toute sécurité. Il faut dans ce domaine une jurisprudence maîtrisée. Justement, le cloud de confiance est-il un concept ou un dispositif légal ? Le cloud de confiance est un concept, plus qu’une marque à proprement parler. Il est vrai, cependant, que de nombreuses organisations voudraient en faire une espèce de label, une sorte de norme qu’on estampille. En fait, on est proche du cloud souverain, mais le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, souhaite qu’on n’emploie pas ce vocabulaire, car cela rappelle trop CloudWatt et Numergy. Quant au Cigref, qui regroupe les grandes entreprises et administrations françaises, il insiste sur plusieurs points constitutifs du cloud de confiance, dont voici trois exemples : la protection des données vis-à-vis de l’extraterritorialité, bien sûr, mais aussi la transparence, et encore l’indépendance. Pour ma part, je considère comme essentiel que la création de l’infrastructure, l’hébergement, et le traitement des données s’effectuent au sein de l’Hexagone. Voilà un élément concret.

« Il reste beaucoup à faire en termes de services à haute valeur ajoutée dans lesquels les partenaires trouveront leur place »

On parle beaucoup, ces temps-ci, de l’initiative Gaia-X. Que faut-il en penser ?

Plusieurs choses. D’abord, les sociétés adhérentes ne sont pas toutes européennes. Certaines sont, par exemple, américaines ou asiatiques. Certes, de telles entreprises font valoir qu’elles investissent en Europe, et participent ainsi à la vie économique du Vieux Continent. Elles jouent donc sur une équivoque. Ensuite, Gaia-X met en avant l’interopérabilité et la réversibilité des processus. C’est assez théorique car, dans bien des domaines, notamment celui de l’ERP, il existe un héritage, une certaine captivité de l’existant, dont il faut tenir compte. Et puis, d’une façon générale, il faut se rendre à l’évidence : les Américains et les Asiatiques comptent dix ans d’avance sur nous en matière de cloud natif. En disant « nous », j’entends les Européens.

Dans ces conditions, que préconisez-vous ?

Pour constituer ce fameux cloud de confiance, l’Europe peut et doit jouer un grand rôle. Les startups, l’open source, le SaaS, l’intelligence artificielle, l’infrastructure, etc., la liste est longue des avancées qui peuvent concourir à fabriquer un tissu industriel de services et d’innovation, et aboutir à une vraie simplicité d’usage. Au fond, on résumera les choses de la façon suivante pour expliquer la manière dont l’Europe peut tenir tête aux groupes internationaux de grande envergure : plutôt qu’arrêter le rouleau compresseur avec des pierres, mieux vaut creuser des trous pour qu’il ralentisse. Et travailler dans les interstices des secteurs à forte valeur ajoutée.

Comment les partenaires joueront-ils leur partition ?

Ils doivent s’insérer, trouver leur place dans cette nouvelle chaîne de valeur. Ce cloud natif est une lame de fond, et il reste beacoup à faire en termes d’automatisation, de sécurité, de modules, de services à haute valeur ajoutée. Certes, ce ne sera pas le retour à l’industrie d’hier, mais tout de même : toutes les prestations et services qui sont et seront proposés reposent sur des produits, des équipements bien réels. C’est de l’industrie, ce sont des échanges. Le cloud de confiance est un moteur qui stimulera les innovations.

BIO EXPRESS
Diplômé de l’Institut polytechnique des sciences avancées, Stéphan Durey affiche plus de vingt ans d’expérience dans la gouvernance de la production IT, le cloud, et l’intelligence des processus. Après avoir travaillé chez On-X Consulting et Beijaflore, il rejoint Magellan Consulting en 2013 en tant que responsable des offres data center, cloud et gouvernance de la production numérique. En 2016, il devient associé, puis endosse la mission de renforcer le développement de la practice IT Zero Carbone & Infrastructure.